Expertises

Robert Combas (né en 1957) - Tatouage académique

En se procurant des dessins réalisés au XIX ème siècle par des éleves des beaux arts, travaux scolaires académiques, Combas réalise un exercice qui va au delà de la simple présence plastique de son oeuvre. En effet, le sujet d’un antique représenté le plus fidèlement possible par l’élève des Beaux-Arts est ici propulsé à notre époque par la seule volonté de Combas. Le support n’est pas la papier seulement, c’est avant tout le dessin existant. Un dialogue intime s’instaure à travers le temps et les styles entre l’artiste du XIX ème et Robert Combas Deux plages temporelles se superposent. Tatoué d’une écriture aux images subliminales, ce buste antique redevient actuel.

Olivier Debré (1920-1999) Les hauts colorés

Huile sur toile
Signé, titré, daté au verso
100 x 100 cm

L'œuvre du grand coloriste Olivier Debré, architecte de formation, repose en grande partie sur ce qu'il appelait l'espace sensible, ainsi dans ce tableau figuration lointaine d'un paysage abstrait, la grande fluidité de la matière picturale structure son espace. Les tons complémentaires créent une dualité à l'intérieur même de son format carré. En haut un espace plus proche et en dessous de ce que l'on pourrait assimiler à une ligne d'horizon, un espace plus lointain. L'acidité des teintes crée un dynamisme étonnant, dynamisme accentué par la présence d'un geste porteur d'émotions qui traverse de part en part le tableau dans une fausse verticale.

Georges Braque (1882-1963)- Pichet, pipe, tabac 1928

Huile sur toile
Signé et daté en bas à droite
27 x 41 cm

Historique : Collection Roger Dutilleul, conservé dans la famille depuis lors.
Certificat d'exportation pour un bien culturel n°180004, délivré le 21.11.2016.

À partir de 1919, l'oeuvre de Braque est essentiellement faite de natures mortes (il est à noter que c'est exactement en 1928, date de notre tableau, que Braque revient au paysage, achevant ainsi un cycle avec l'accomplissement d'oeuvres du meilleur effet). Les natures mortes sont alors composées d'objets usuels aux formes simples s'accordant parfaitement aux recherches plastiques de l'artiste, le tout sur des entablements, coins de meubles ou cheminées.

Du cubisme, précédemment exploré jusqu'aux confins, (la nature morte cubiste était un prétexte pour désarticuler les éléments de la composition afin de les assembler dans un jeu complexe de plans et facettes.) et ceci en liaison étroite avec Picasso, restent : la composition dense, l'espace intellectualisé (non réel), les aplats, les couleurs proches du noir et du brun, la verticalité du plan du tableau , les différents points de vue simultanés des objets représentés (de face, d'en haut, d'en bas et sur le côté), la schématisation de la représentation de ces objets. Cependant, jusqu'en 1928, les lignes deviendront sinueuses et Braque réussit alors l'alchimie qui équilibre schéma mental et sensibilité.

Notre nature morte est à elle-seule un résumé didactique de l'art de Braque à cette époque : Tout d'abord par son sujet, la nature morte, qui plus est nature morte au pichet, tabac et pipe, objets de premier choix. En ce sens, ce thème, si important pour Braque, est significatif d'un positionnement de l'artiste, non pas tourné vers la recherche de la nouveauté pour la nouveauté, mais bien vers l'inaccessible épuisement dans l'approfondissement. Ensuite, par l'héritage du cubisme dont ici l'artiste fait montre : D'une part, dans la simplification des représentations d'objets, aux différents points de vue. Notez ainsi le pichet de face mais dont on voit en même temps le col d'en haut. D'autre part, dans le resserrement des objets au sein d'une composition dense déclinant les plans successifs de celle-ci en évitant volontairement les lignes de perspective classique. De même par l'absence de lumière atmosphérique : un éclairage frontal sans effet d'ambiance. Ensuite dans la gamme chromatique réduite aux bruns, noirs, blancs, gris bleutés et ivoire, dont la richesse ne se situe pas dans la variété mais bien dans la qualité des rapports de tons subtils. La magie s'opère : une grande transparence s'impose sur des coloris aux accents de terre, dont la matière elle-même se suffit en l'absence de tout vernis. Et puis, si importante, l'utilisation du faux-marbre, technique apprise dans l'entreprise de plâtrerie-peinture familiale que Braque avait fait découvrir à Picasso dès 1912. Au-delà du trompe-l'oeil, le faux-marbre transcende les apparences pour figurer un nouvel espace.

En y regardant de plus près, la composition est plus complexe qu'il n'y paraît au premier regard. Pour donner l'impression d'espace et de volume sans pour autant tomber dans les méthodes conventionnelles de la peinture classique, Braque intervient par petites notes : tout d'abord, cette ombre portée contre le mur du fond, à peine présente et qui pourtant à elle seule crée la notion d'espace dans le tableau. Ensuite, l'opposition de traitement de la touche entre le faux-marbre et le reste du tableau en aplats, qui a pour effet de faire venir à nous, regardeur, le premier plan. Ceci en préservant la continuité spatiale dans une fusion synthétique.

Enfin, l'influence toute nouvelle de l'Antiquité grecque dont ne se départira plus l'artiste : préambule de l'intérêt de l'artiste pour la Grèce archaïque, dont l'apothéose sera la série des Canéphores, il incise par un filet blanc les contours de la poterie noire. Les années suivantes, ce filet blanc sous forme d'arabesque s'émancipera du contour des poteries devenant une ligne instinctive et primitive.

André Bauchant (1873-1958) - Idylle moderne 1943

Huile sur panneau
Signé, daté en bas à droite
123 x 92 cm
Historique : Exposition rétrospective  André Bauchant, Galerie Charpentier, Paris, 1949
Provenance : Collection privée , Lyon

André Bauchant, artiste autodidacte commence véritablement sa carrière de peintre après la 1ère guerre mondiale à laquelle il a participé. Pépiniériste de formation, c’est en Touraine qu’il s’installe pour peindre des sujets d’inspiration mythologique, mais aussi des paysages proches ainsi que des bouquets de fleurs. En 1928 Serge Diaghilev, des Ballets Russes, lui commande les décors du ballet « Apollon musagète ». Son oeuvre s’installe, il est remarqué par Wilhelm Uhde, inventeur des « Primitifs modernes » parmi lesquels ont classe Bauchant. Jeanne Bucher, Andry-Farcy, la Galerie Charpentier, Dina Vierny défendent sa peinture et assoient sa notoriété.

Dans « Idylle moderne », Bauchant met en scène plusieurs femmes dont le regroupement, d’après le titre, évoque des amours non conventionnelles…

La composition frontale appuyée par l’alignement des personnages  est un renvoi direct aux grands tableaux d’histoire néoclassiques et en particulier à Jacques-Louis David. Il plane dans ce tableau une atmosphère de mythologie grecque dont Bauchant était un grand lecteur. Le rythme segmentant le plan dans sa verticalité se prolonge dans les troncs et branches des arbres. Le ciel  est envahi par le feuillage délirant de ces derniers, ce qui renforce la planéité de l’oeuvre.

Les couleurs acidulées de tons primaires et complémentaires pourvoient une grande fraîcheur à l’ensemble. Les personnages, enfin, dont les regards se croisent et s’esquivent, semblent flotter dans cet espace de décor aux accents artificiels. Le dessin faussement naïf et que l’on qualifiera vraiment de primitif moderne pourrait bien trouver écho chez de nombreux artistes actuels.

Léopold Survage (1879-1968) - Deux femmes 1958

Huile sur toile
Signé daté en bas à droite
55 x 46 cm
Provenance : collection particulière, Lyon

Léopold Survage fait partie de ce que l’on a appelé très globalement l’Ecole de Paris. Il s’agissait de regrouper sous une même étiquette artistes français et étrangers venus tenter l’aventure artistique à Paris au début du XXème siècle, à l’époque où elle était la capitale mondiale de la peinture. Léopold Survage est russe, et vient à Paris en 1908. Très tôt, il fréquente le milieu artistique de la capitale et rapidement s’engage vers une peinture résolument moderne, dont les « rythmes colorés » de 1914 sont une des premières expressions plastiques abstraites en lien avec le cinéma. Un des fondateurs de la « Section d’Or » il expose chez Léonce Rosenberg au début des années 1920, des œuvres aux accents cubistes imprégnées d’onirisme, aux accents de mises en scène cinématographiques.
Développant un imaginaire très personnel l’artiste produit des œuvres aux confins du surréalisme et du cubisme tout au long de sa carrière riche et longue. « Deux femmes » est une œuvre de la fin de vie de l’artiste, où l’on retrouve l’univers de Survage, personnages mis en scène, entre évocation d’un pas de danse ou d’un geste théâtral, sur un fond artificiel, décor, tenture, espace mental, et passage biblique. Deux femmes, dont une plus âgée semble prévenir la plus jeune qui n’écoute pas et s’enfuit. La composition très frontale est très fraîche et par la simplicité des moyens employés par l’artiste garde une grande part de modernité.

Ossip Zadkine (1890-1967) - La femme aux masques 1957

Encre de Chine sur papier
Signé, daté en bas à droite 65 x 50 cm
Provenance : collection privée, Lyon

Ossip Zadkine, d’origine russe, vient en France dès 1909, pour étudier à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, après un court séjour en Angleterre. Il est un des plus grands sculpteurs cubistes. Son œuvre est consacrée pour l’essentiel à la représentation du corps humain par le biais de la mise en application des nouvelles formes de représentation insufflées par les inventeurs du cubisme que sont Derain, Braque et Picasso, ceci très tôt avant la guerre de 1914-18.

Dès lors son art se singularise et ses productions sont très personnelles tout en appartenant à l’esthétique nouvelle. Parmi ses amis il comptait Modigliani, mais aussi Picasso bien sûr, Survage, Brancusi, Apollinaire, à l’époque du Paris de l’entre-deux–guerres. De retour des USA, après la seconde guerre mondiale, il enseigne à La Grande Chaumière, et lègue à la Ville de Paris sa maison qui abrite aujourd’hui un des deux musées Zadkine, l’autre se trouvant aux Arques, où il habita.

Outre son œuvre de sculpteur, Zadkine a réalisé un nombre important d’œuvres sur papier, considérant ce mode d’expression comme un art à part entière. Ainsi ses aquarelles, gouaches et encres n’étaient pas, pour l’essentiel, des études pour sculptures, mais bien des œuvres en tant que telles.

« La femme aux masques » est une œuvre très expressive dans laquelle l’artiste maîtrisant totalement les principes esthétiques du cubisme transcende ceux-ci pour apporter une dimension onirique à son dessin. Les différents plans superposés du visage deviennent des masques et portent en eux un indubitable trouble évocateur doublé d’une grande force plastique.

André Marchand (1907-1997) - Les Fiancés 1932-1933

Huile sur toile
Signé en bas à gauche
Contresigné, daté au dos
100 x 81 cm

André Marchand, originaire d’Aix-En-Provence vient à Paris très jeune en 1926. Il fréquente alors Francis Gruber, Pierre Tal-Coat, et sans en faire partie exposera avec le groupe Forces Nouvelles.
C’est en 1932 qu’il montre ses oeuvres pour la première fois au Salon d’Automne, puis en 1933, au Salon des Indépendants.

En 1937, il est lauréat du prix Paul-Guillaume qui lui vaut une reconnaissance d’un certain milieu de collectionneurs et de marchands. Passant son temps entre Paris et la Provence, il s’attache à la peinture de paysage durant la guerre, puis représente la nature-morte et ensuite de plus grandes compositions aux baigneuses. Son oeuvre constitué de plusieurs périodes représente parfaitement bien l’esprit de l’Ecole de Paris. Avec « Les fiancés », l’artiste se révèle comme un des meilleurs représentants du retour au réalisme entre les deux-guerres, mouvement qui s’opère en France mais aussi partout dans le monde d’une manière plus ou moins concomitante. L’oeuvre date de 1932-1933, l’artiste est jeune mais montre une très belle assurance dans un dessin réaliste qui laisse le champ libre à une forme de poésie, et d’évasion métaphysique.

Les personnages se découpent très précisément sur un ciel bleu quasi- immaculé surplombant un paysage qui doit tout autant à l’observation de la nature qu’à l’imagination de l’artiste et sa volonté d’en faire un paysage idéal. L’architecture présente semble sortir d’un décor de théâtre révélé par un éclairage ponctuel venant du fond sous les arcades. André Marchand fige ses personnages dans un geste de tendresse où les mains se rejoignent, se frôlent, tandis que les visages impassibles, le regard lointain, dégagent un sentiment de grande sérénité.

Jean Souverbie (1891-1981) - Femme de dos, assise 1929

Huile sur toile
Signé, daté en bas à gauche
81 x 65 cm
Provenance : Collection particulière, France

De formation classique, sous influence des Nabis au début de sa carrière, peintre de compositions avec personnages et de figures, surtout féminines, Jean Souverbie associe dans sa peinture les principes du cubisme synthétique avec un grand sens de l’équilibre. Les figures solidement campées font référence à une tendance néo-classique moderne. Il s’oriente vers le post-cubisme dans les années 1930, attiré plus particulièrement par l’oeuvre de Braque, dans une écriture qui lui restera personnelle jusqu’à la fin de sa vie.

Auparavant, dans les années 1920 nous le voyons appartenir au grand mouvement international de retour au réalisme : c’est à cette période que fut peint notre tableau.

Dans une composition originale où l’artiste choisit de montrer son personnage de dos dans un espace clos et nu de tout décor, il joue avec une palette aux tons gris et ocre très rapprochés allouant un aspect très minéral à l’ensemble, sans, toutefois, oublier la sensualité, telle qu’elle se manifeste dans les boucles de cheveux sur la nuque de la femme, la bride tombant de l’épaule ou le geste suspendu de la main.

De plus, dans ce tableau, Souverbie se montre prédisposé pour une approche métaphysique de la représentation de l’humain : personnage nous tournant le dos et regardant à l’opposé de la seule fenêtre ouvrant sur l’inconnu.

Georges Rouault (1871-1958) - Nu au masque de licorne 1925

Aquarelle sur papier
Signé, daté en haut à gauche 32 x 22 cm
Provenance : collection particulière , Lyon

Figure dans les archives du comité de la Fondation Rouault qui en a confirmé l’authenticité

Georges Rouault demeure un artiste inclassable du début du XXème siècle, même si il est trop souvent classé parmi les Fauves, à tort.
En effet, l’artiste préféré de Gustave Moreau dont il suivait les cours à l’école des Beaux-Arts de Paris, à la fin du XIXème siècle aux côtés de Matisse, Manguin et Marquet, entre autres, n’exposa pas dans la fameuse salle du salon d’automne qui deviendra la cage aux fauves de 1905, occupée par ses amis.
Son œuvre appartient à l’art indépendant aux frontières de l’expressionnisme et du fauvisme en étant toujours inclassable, du commencement à la fin de la carrière de Rouault.

Cette aquarelle date de 1905, année charnière pour la peinture, donnant naissance aux Fauves
Le thème, un nu de femme, portant un masque de licorne évoque une prostituée au visage caché, pratique courante dans les maisons closes pour assouvir les fantasmes des clients, est un prétexte à la peinture pure, mais pas seulement, car le corps nous apparait bien accablé d’une certaine lassitude. Rouault ne se départira jamais de cette approche psychologique de ses personnages, à la différence de ses amis fauves.

Le personnage et le fond sont traités sans hiérarchie d’importance, donnant ainsi une unité de lecture à l’ensemble. Les coups de brosse sont rapides et effleurent à peine le papier, apportant beaucoup de luminosité et transparence à une palette restreinte, entre bleu, rouge et jaune. Le noir cernant quelques courbes appuyées comme des arcs-boutants afin que la structure complète de l’œuvre tienne à l’œil.
Une apparence trompeuse d’ébauche donne à l’œuvre une spontanéité et une modernité encore actuelle.
La particularité de cette œuvre vient bien de la présence de ce masque de tête de licorne : ne pourrait-on pas y voir un hommage subtile rendu à Gustave Moreau dont le bestiaire fût peuplé de Licornes, en cette année 1905, qui voit l’ouverture de son musée à Paris.

Henri Lachièze-Rey (1927-1974) - Nu 1964

Huile sur toile
Signé, daté au dos 38 x 46 cm
Provenance : Fonds d’atelier de l’artiste, puis collection particulière, Lyon

Henri Lachièze-Rey, mort prématurément à l’âge de 47 ans occupe une place à part dans le paysage de l’art contemporain de Lyon et sa région. Après sa formation à l’école de Beaux-Arts de Lyon en compagnie de Georges Adilon et Henri Castella pour lesquels des liens d’amitié forte se tisseront, allant jusqu’à créer une intimité artistique de laquelle naîtront des œuvres des uns et des autres plastiquement très proches aux confins des influences de Nicolas de Staël et Jean Pougny (ceci jusqu’à la fin des années 1950), il s’inscrit à l’école des Beaux-Arts de Paris, obtenant en 1949, le premier prix de Paris.
C’est au début des années 1960, à l’instar de ses amis, Adilon et Castella, que son art bascule vers une peinture plus personnelle convoquant l’expressionnisme moderne pour aller au-delà de l’apparence physique des choses et des personnages. Les formes prennent vie dans une matière picturale triturée avec finesse et délectation, associée à une palette dont le spectre chromatique se cherche dans les teintes subtiles et rapprochées. Son œuvre, montré très rapidement hors de Lyon, à Paris, Lausanne, Cannes et New-York s’inscrit dans la lignée des artistes tels Léon Kossoff et s’adresse à un public international.
Lachièze-Rey a laissé un ensemble d’œuvres remarquable, composé de tous les thèmes classiques de la peinture figurative : paysages, nature mortes, portraits, scènes de genre (plages animées, intérieurs de cafés, de restaurants, de salles de concert) et des nus.
« Nu » est l’œuvre d’un artiste qui s’approprie un thème classique représentant une femme nue allongée dans une position que l’on imagine lascive, pour le décharger de son message érotique au profit d’une charge émotionnelle plus liée à la psychologie voire à la philosophie. Le corps de chair devient matière picturale et tend à disparaître dans son environnement imprécis, rappelant ainsi la condition de toute vie sur terre.